Aravind Adiga est un écrivain et journaliste originaire du Sud de l’Inde. Il étudia en Australie puis à New-York, et vit actuellement à Mumbai.
Il a obtenu en 2008 le Man Booker Prize pour son livre The White Tiger, soit en français Le tigre blanc.
Ce roman, mené sur un ton cynique et sympathique, étudie le contraste entre l’émergence d’un pays et son personnage principal, Balram, ancré dans un système rural traditionnel et pauvre.
L’auteur explique que “la critique exercée par des écrivains tels Flaubert, Balzac ou Dickens a aidé l’Angleterre et la France à améliorer leur société”.
À travers ce roman, une voix s’est exprimée contre les injustices du système indien. Et cette voix, c’est celle de Balram, fils d’un richshaw wallah, originaire d’un petit village dans une des régions les plus pauvres de l’Inde. (Découverez les villages au Rajasthan) Son intelligence et sa persévérance le feront voyager, cotoyer différents mondes et c’est ainsi qu’il réalisera que, pour particper au “tournant” de l’Inde, certaines choses devront être bousculées.
Ce sujet brûlant, celui de trouver sa place dans la société, est construit sous la forme d’un récit rétrospectif et épistolaire : pas à pas, le narrateur nous achemine vers sa conclusion, plus efficace que le meilleur des avocats, il nous explique ce qui l’a amené à commettre l’innommable.
« Une révolution indienne ?
Non, monsieur. Cela n’arrivera pas. Les habitants de ce pays attendent toujours que la guerre de libération vienne d’ailleurs : de la jungle, des montagnes, de Chine, du Pakistan. Cela n’arrivera pas. Chaque homme doit accomplir son propre pèlerinage de libération.
Le livre de ta révolution est dans tes tripes, jeune Indien. Chie-le, et lis. » (p.300)
Extrait : Première page.
À l’intention de :
Son Excellence Wen Jiabao
Cabinet du Premier ministre
Pékin
Capitale de la Chine, nation éprise de liberté.
De la part du :
«Tigre blanc»
Intellectuel
Entrepreneur
Résidant dans le centre mondial de la technologie et de l’externalisation
Electronics City Phase I (sis Hosur Main Road)
Bangalore, Inde.
Monsieur le Premier ministre,
Ni vous ni moi ne parlons l’anglais, cependant certaines choses ne peuvent se dire que dans cette langue.
L’ex-femme de mon ex-employeur le défunt M. Ashok, Pinky Madam, m’a appris l’une d’elles. Et, ce soir, à 23 h 32 il y a dix minutes, les mots me sont venus tout naturellement à l’esprit, quand j’ai entendu la présentatrice de All India Radio annoncer : «Le Premier ministre Jiabao se rendra à Nangalore la semaine prochaine.»
En vérité, j’utilise cette expression chaque fois que de grands hommes, dont vous êtes, visitent notre pays. Je n’ai rien contre les grands hommes. À ma manière, monsieur, je me considère même comme l’un des vôtres. Mais, dès que je vois notre Premier ministre et ses distingués acolytes se rendre à l’aéroport en limousine noire, faire des salutations – des namastés, comme on dit chez nous – devant les caméras de télévision, et expliquer combien l’Inde est morale et angélique, je ne peux m’empêcher de prononcer ces paroles en anglais.
Car vous allez bientôt visiter notre pays, n’est-ce pas, Votre Excellence ? En général, pour ce genre de nouvelles, on peut se fier à notre radio nationale.
Je plaisante, monsieur.
Ha !